Critique - René Barjavel, Ravage
- Anna Gicquel
- 14 nov. 2022
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 sept. 2024
En 1973, dans Le plaisir du texte, Roland Barthes décrit deux types de lecture : la lecture de plaisir et celle de jouissance. La première est à la littérature ce que les box-offices sont au cinéma. Elle relève du divertissement ; conforte nos assises culturelles tandis que la lecture de jouissance nous bouscule au contraire, nous ébranle. La première se conforme aux attentes du lecteur tandis que c'est au lecteur de se conformer à la seconde.
Publié en 1943, Ravage de René Barjavel, n'a pas pu bénéficier en son temps de cette heureuse étiquette de « lecture de jouissance » mais cette véritable satyre de la société moderne l'aurait sans nul doute mérité tant elle est sévère envers le genre humain ; tant son ironie est incisive, déconcertante.
Pour autant, avant lui, on ne pouvait imaginer dénoncer la bêtise humaine avec poésie. Barjavel nous fait rêver avec son « soleil énorme, curieusement aplati » qui « roulait à une vitesse folle sur l'horizon » mais nous fait vite déchanter avec son néologisme morbide qu'est le Conservatoire.
Barjavel sait encore nous faire rire à nos dépends de notre propre dépendance à la technologie et de notre comportement en temps de crise ; de notre nature même finalement autant que de notre volonté périlleuse et peut-être même vaine de nous en éloigner.
Son génie se poursuit en ce que sa critique est complétée par un véritable parcours initiatique, au cours duquel les protagonistes sont amenés à redécouvrir cette Nature.
Ravage, c'est donc une satyre incontournable de la société moderne, pleine d'humour, de poésie, comme de « ravages », de bestialité. Un livre à la violence douce dont on ne sort assurément pas indemne mais dont le mal est moindre en ce qu'il est encore imaginaire. Un avertissement qui ne fait certainement pas plaisir mais que l'on sait malheureusement inspiré par la 2nd Guerre Mondiale et ses horreurs, que le progrès technique n'est bon qu'à aggraver.
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